Le rap alternatif de Muthoni Drummer Queen, l’hymne aux gros bolides de Tunji, les prouesses techniques de Khaligraph Jones, la musique engagée du cador Octopizzo. On poursuit notre tour des Scènes Rap Africain : Le Kenya en quatre noms qui comptent.
Nom : Khaligraph Jones
Poussé par son grand-frère à se lancer dans le grand bain en 2007, Khaligraph Jones sort son tout premier titre trois ans plus tôt, à l’âge de 13 ans. Aussi à l’aise pour rapper en anglais qu’en swahili, il fait ensuite ses armes dans l’univers des battles et gagne en 2009 l’édition kenyane d’une compétition, à l’époque réputée, le Channel O Sprite Emcee Africa tour.
Quelques années plus tard, en 2015, le grand public découvre celui que l’on surnomme aussi Papa Jones ou Baba Yao avec son tube « Yego ». Un morceau clin d’oeil au parcours de Julius Yego, athlète kenyan qui a notamment appris à lancer son javelot en regardant des vidéos sur Youtube, champion du monde à Pékin cette même année. Khaligraph Jones a depuis sorti de nombreux tubes dont les très remarqués « Micasa Sucasa » (qui reprend l’instrumentale du classique rap U.S. « Hell On Hearth » de Mobb Deep), « Naked » et « Gaza ».
Nom : Muthoni Drummer Queen
Avec sa musique hybride, Muthoni Drummer Queen est l’un des visages de la scène rap alternative de son pays. Une artiste dont la carrière se construit entre l’Afrique et l’Europe depuis sa rencontre avec les producteurs suisses Greg « GR ! » Escoffey et Jean « Hook » Geissbuhler en 2013. Avec eux, Muthoni réalise un premier album « MDQ » (2014), porté par le titre « Nai ni Ya Who ». Un projet qui leur permet de faire la tournée des festivals (dont le Montreux Jazz Festival en 2017) et de se produire au Kenya et en Suisse.
Muthoni Drummer Queen s’apprête à sortir un deuxième opus « She » (prévu pour novembre 2017). Un album lancé avec le titre « Kenyan Message », hommage à l’hymne rap de Grandmaster Flash et son remix (en écoute ci-dessus) où Muthoni est entourée de certains des artistes les plus prometteurs de la nouvelle scène : Steph Kapela, Tunji et Shukid.
Nom : Tunji
Tunji (à ne pas confondre avec le rappeur américain d’origine nigériane Tunji Ige) s’est fait connaître en 2016 avec son hit « Mat Za Ronga ». Une ode au minibus matatu, le moyen de transport en commun le plus utilisé au Kenya devenu un véritable phénomène culturel – les chauffeurs pimpent leurs véhicules (décorations criardes, écran plasma, sono hurlantes…) – à l’instar des taxis Woza en Afrique du Sud qui ont notamment contribué à populariser la Gqom Music de Durban.
Et dans la vidéo de « Mat Za Ronga », sortie quelques mois plus tard en juin 2017, Tunji est entouré de matatus flashy. Sur le parking d’une station essence, le rappeur de 23 ans vante les mérites de ces gros bolides aux jantes rutilantes de la compagnie public Ongata qui circulent sur les routes 125 et 126 (entre Nairobi et Ongata Rongai située à 17 kilomètres de la capitale), surnommés « Tupac Shakur », « Phantom 808 »…parmi les plus célèbres du pays.
Nom : Octopizzo
Octopizzo est une institution du rap kenyan. Un artiste émérite qui a déjà sorti quatre albums salués par la critique dont le parcours faire figure d’exemple. Du bidonville de Kibera, l’un des plus grands d’Afrique situé au sud de Nairobi où il a grandi, aux gangs dont il a fait partie, il est devenu l’un des rappeurs les plus connus de son pays, suivi par plus de 400 000 personnes sur Facebook.
Et même s’il sait enfiler son costume de rappeur, avoir le look et l’arrogance pour soigner la concurrence sur des titres ultra-tendances, Octopizzo est un artiste engagé. Son rap, Octo l’utilise pour faire rayonner la culture de son pays (« Butere »), montrer une autre Afrique ( « Nu Afrika » – extrait de son nouvel ablum à venir – 2017), attirer l’attention sur la vie des populations les plus démunies de son pays. Octopizzo a d’ailleurs piloté l’un des projets les plus intéressants de 2016, l’album « Refugeenius ». Un programme financé par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et l’ONG Danish Refugee Council (DRC) avec comme artistes, les habitants de Kakuma, le plus grand camp de réfugiés au monde. Situé à la frontière sud-soudanaise, ce camp installé en 1992 pour accueillir les soudanais qui fuyaient la guerre civile compte aujourd’hui près de 180 000 personnes venus de Congo RDC, de Somalie, du Soudan du Sud, d’Ethiopie, du Burundi et d’Uganda. Un documentaire qui retrace l’histoire de ce projet est à découvrir sur la chaîne Youtube d’Octopizzo.
À suivre :
- EA WAVE, représentant du « Nu Nairobi ». Un collectif de cinq artistes (djs, producteurs, rappeurs) qui propose tous les mercredis un nouveau « waveywedneday » dont le tout dernier « 10.000 Hours ».
- Timmy Blanco, à l’origine d’un très joli EP « 2 Birds 1 Phone » sorti en décembre 2016.
- Kevin Grands et son EP « Balance » sorti en 2017.